Ayant été jeune au siècle dernier, je tente de me projeter dans les pensées d’une certaine jeunesse du siècle actuel. Celle qui, comme moi autrefois, forme des rêves de réussite et se bat pour atteindre son objectif.

 

Je suis né à la SICAP rue 10 et j’ai grandi à Grand Yoff, quartier populaire de la banlieue dakaroise. Mes chances de réussir étaient minces et mes malchances grandes. Devenu aîné de ma famille par la force du destin avec le décès prématuré de mes deux grands frères, j’ai été tenaillé entre la rigoureuse éducation de mes parents et l’incessante pression d’un environnement marqué par les combats de rue, les « coladéra » et les diverses tentations dont l’alcool et la drogue.

 

Pour résister, il a fallu rêver d’une réussite, à priori inaccessible.

Il a fallu, au delà du rêve, se prendre en mains.

Il a fallu sortir du cocon parental et forger sa personnalité en rejetant avec fermeté les influences néfastes.

 

C’est alors que l’aventure commença avec la décision de sortir de la maison familiale pour louer une chambre, briser la dépendance et prendre le pari de mener à bien les études, « alluwa » et tablette à la main.

 

Aujourd’hui, rétrospectivement, je frisonne en pensant à la fragilité dans laquelle j’ai été installé par le sort et je pense à vous, la jeunesse d’aujourd’hui avec qui je brûle d’envie d’échanger pour vous encourager. Je vous ferai part de mes « likes » et de mes « dislikes », je partagerai mes commentaires et les leçons que je crois avoir tirés de la vie.

 

Cette jeunesse est symbolisée par la Génération Y. Elle a eu quinze ans en 2015 et aura vingt-huit ans en 2028.

Cette Génération aux écouteurs visés aux oreilles et dessinant un Y sur le torse, s’interroge à longueur de journée avec un « Why ? » parfois sourd, souvent muet, quelquefois assourdissant.

 

La génération précédente, celle qui a eu vingt (20) ans au début du siècle et vient d’en boucler trente-cinq (35), la Génération X, a subi de plein fouet les crises des dernières trente peu glorieuses. Il est vrai qu’elle est essoufflée par la longue résistance pour « s’en sortir ». Elle est tout de même préparée à faire face aux défis futurs car aguerrie par une vie sans accalmie. Cette Génération de l’inconnu en mathématique jette un regard anxieux et plein de compassion sur ses cadets.

 

Ils sont tous jeunes et s’interrogent sur le sort qui leur est réservé par leurs ainés dont les attitudes les apeurent plus qu’elles ne les apaisent.

 

Chers jeunes,

 

La plupart du temps, le besoin de venir en aide aux parents est votre première motivation. C’est très louable.

La réalisation de soi est également une vive préoccupation pour vous et beaucoup d’entre vous ont choisi la voie de l’éducation. Vous avez raison, l’éducation est la clé de l’avenir, elle nous conduit à l’excellence.

A portée de main comme une clé USB aux dents rigoureusement taillées, stockant les informations, l’Education vous permet de vous libérer du mystère de l’ignorance, virus de l’infirmité mortelle.

Alors généreusement et rigoureusement alimenté, votre jeune cerveau, ce puissant logiciel naturel appuyé par votre chère « Bajjen[1] » Google, mouline les précieuses données de la rue, de la spiritualité, de l’entreprise, de la citoyenneté et de l’I-Cloud, pour vous rendre employables.

Pour que s’installe un nouvel infini ouvert par la clé de l’avenir qu’est l’Education à la finalité bien définie et qu’il appartient à la jeunesse de bâtir, il faut bien que le système éducatif se départisse de l’aristocratie de la mémoire au profit du règne de la réflexion, de l’imagination et de l’adaptation pour mettre fin au divorce largement consommé entre l’enseignement et l’insertion professionnelle.

A y voir de près, au delà de la prise en charge familiale et de la réalisation de soi par l’Education, la réussite professionnelle répond à la nécessaire contribution à la reproduction sociale par le travail.

 

J’ai bien constaté que beaucoup d’entre vous affrontent avec courage les difficultés de la vie, souffrent des besoins insatisfaits, s’insurgent contre l’arrogance de ceux qui sont censés vous sortir des ténèbres de l’anxiété. Beaucoup d’entre vous se battent pour le respect de leurs droits en tant qu’élèves ou étudiants, boursiers ou non, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, artistes, fonctionnaires, enseignants, marchands ambulants ou non, menuisiers, mécaniciens, maçons ou simplement, malheureusement plus souvent chômeurs.

Beaucoup d’entre vous livrent une bataille sans merci pour se faire comprendre.

Bref, vous rêvez tous d’un devenir meilleur.

J’ai bien remarqué que certains d’entre vous ont choisi le dur chemin de l’émigration (que je souhaite toujours provisoire) pour se frayer le chemin d’une réussite honorable. Où que vous vous trouvez, je sais que votre cœur bat pour le Sénégal, votre pays, l’Afrique, votre continent.

 

 

Chers jeunes,

 

Prêtez-moi votre fougue. En échange, je tiens à votre disposition le peu de maturité que j’ai acquis et, ensemble, nous réussirons à conquérir la place digne de votre poids dans la société, sans jamais baisser les bras.

 

Chers jeunes de la Génération Y et des autres qui suivent et suivront

 

Peu de gens vous parlent, encore peu d’entre eux vous écoutent.

J’ai pris de pari d’enfiler ma robe d’avocat pour vous accompagner au tribunal des incompris d’aujourd’hui que vous êtes et maîtres de demain que vous deviendrez car ma conviction est faite que rien de pérenne ne se fera sans vous.

Je suis déterminé à examiner avec vous les voies et moyens pour dissiper le doute sur votre impérieux devoir de ne pas vous contenter de participer au jeu mais d’en fixer les règles.

Je ne ménagerai aucun effort pour tenter de vous convaincre (beaucoup d’entre vous le sont déjà, j’en suis sûr) que le seul choix qui s’impose à vous est de prendre votre destin en main car votre combat est le seul qui vaille la peine d’être mené.

Bien entendu, pour nourrir nos échanges, vos inputs sont attendus. Dans l’espoir que cette lettre ne tombera pas dans vos spams, je vous dis : @+ pour un cheminement fructueux !

 

Vive la Génération Y !

 

 

Dr. Boubacar CAMARA

La maturité au service de la jeunesse

 

[1] Mot wolof signifiant tante paternelle. Celle-ci est souvent marraine de la jeune fille et protecteur du jeune garçon dans la tradition wolof du Sénégal

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